Ces chiffres sont alarmants et dénotent un certain malaise ou plutôt un malaise certain dans notre société. C’est à se demander si la population est rendue aussi dépressive et désespérée au point de souhaiter la mort et de ne plus avoir le goût de se battre pour améliorer la qualité de sa vie.
Le retrait du critère de fin de vie dans cette loi a ouvert la porte à plusieurs dérives.
Désormais, l’aide médicale à mourir n’est pas seulement accordée pour des raisons purement médicales, ou pour des personnes en phase terminale, mais aussi pour des problèmes sociaux que les gouvernements n’ont pas été capables de régler; la pauvreté, l’isolement ou le manque de services.
À cela s’ajoute le manque de ressources et de services médicaux et sociaux. L’accès à des médecins spécialistes prend des mois, alors que l’accès à « l’aide médicale à mourir » peut prendre quelques jours.
Face au désespoir, on préfère donner la mort plutôt que prendre tous les moyens pour offrir une meilleure qualité de vie et s’assurer que personne ne se sente poussé à prendre une telle décision.
C’est à se demander s’il est digne de provoquer la mort des personnes handicapées physiques, des personnes âgées fatiguées de vivre, de celles qui souffrent de démence, des personnes pauvres, seules et isolées, des jeunes qui veulent se suicider, car ils ne trouvent pas de raisons de vivre, au lieu de s’attarder au pourquoi « je veux mourir ».
Nous en serons tous éclaboussés un jour ou l’autre d’avoir agi ainsi, car les générations futures critiqueront ces homicides de la même façon que nous critiquons le passé avec nos yeux d’aujourd’hui, car cette dérive sociétale ressemble progressivement à ce que les régimes totalitaires ont mis en place durant les années 1930 et 1940. Eh oui! Il faudra un jour avoir le courage d’appeler les choses par leur vrai nom.
De plus, cette loi veut étendre « l’aide médicale à mourir » dans tous ces lieux de lumière, de réconfort et d’accompagnement que sont les maisons de soins palliatifs et aller jusqu’à s’immiscer dans leurs critères d’admission.
Tout cela dénote que notre société individualiste semble se désintéresser des souffrances enfouies et gardées secrètes des personnes souffrantes: les personnes malades, handicapées, isolées, les jeunes, les pauvres qui réclament ce type d’aide de plus en plus par désespoir
N’ayant ni le temps, ni les moyens d’aller à la source du problème, on propose à toutes ces personnes au nom de la compassion de renoncer à leur droit de vivre en leur donnant le droit de mourir. C’est tout ce qu’on a à leur offrir face à leur détresse. On les autorise à « être mises à mort » en leur lançant le message qu’elles nous dérangent, car elles ne sont plus utiles à la société et qu’elles nous coûtent trop cher.
Ce choix gouvernemental, « l’aide médicale à mourir », est loin d’être considéré comme une évolution, mais plutôt une régression. Lorsque la dignité des personnes se mesure en fonction des coûts et au degré d’autonomie et que la dépendance expose à l’inutilité, c’est un signe de rejet social qui est aussi intense que la douleur physique.
Heureusement, qu’il existe encore des personnes merveilleuses (que ce soit dans le corps médical, des membres d’une famille, des amis, du personnel des organismes sociaux et communautaires et des bénévoles) qui prennent soin des êtres les plus fragiles et souffrants qui ont besoin d’être entendus, compris, soulagés physiquement de leur douleur et entourés affectivement.
Savoir accompagner dans la souffrance morale les personnes souffrantes, n’était-ce pas là la vraie compassion dont on parle dans les dictionnaires?
Plutôt que d’encourager les gens à mourir, ne serait-il pas mieux de les aider à vivre jusqu’au bout dans l’amour? (Erwan le Morhédec).
Monique Khouzam Gendron
Ex-directrice du Service de la bibliothèque, des services culturels et communautaires de la Ville de Saint-Eustache
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Monique Khouzam