Vous avez aussi raison de partager avec nous votre inquiétude face à l’islamophobie, après un événement aussi fâcheux et inadmissible que l’attentat à la grande mosquée de Québec, il y a quelques années. Nous sommes, comme vous le dites, « un pays de paix qui respecte le droit des personnes et qui ne doit pas tolérer ce genre d’attitude ».
Mais là où vous faites fausse route, M. Trudeau, c’est lorsque vous laissez des gens sous-entendre qu’un « sentiment antimusulman » semble animer « une majorité de Québécois » (une fausse allégation depuis réfutée) et que vous nommez une représentante spéciale de la lutte contre l’islamophobie au Canada (une mesure qui trahit votre favoritisme et fait montre de discrimination) sans considérer les autres groupes qui subissent aussi des injustices et de la haine.
Maintenant, quelle sera la prochaine étape ? Allez-vous nommer une représentante spéciale pour la lutte au Canada contre la christianophobie, la judéophobie, l’autochtophobie, la francophobie, la québécophobie et la policophobie ? Car l’hostilité envers tous ces groupes existe, différents événements l’ont démontré.
À titre d’exemple, lorsqu’en juillet 2021, 48 églises ont été soit vandalisées (avec de la peinture sur les portes ou des graffitis), soit détruites et brûlées complètement par des incendies provoqués, c’est à peine si vous en avez soufflé mot.
Que doit-on comprendre de vos agissements ? Que votre gouvernement désire protéger et sécuriser un groupe en particulier, mais pas les autres ? Un gouvernement est puissant lorsque ses décisions sont équitables, sinon il risque de retourner les citoyens les uns contre les autres, comme c’est le cas avec la nomination d’Amira Elghawaby. En effet, comment peut-on espérer que les membres de la population ne fassent pas preuve de discrimination envers certains groupes quand le gouvernement lui-même en fait à travers ses propres agissements ?
Si le rôle de la personne qui a été nommée à titre de première représentante spéciale du Canada consiste entre autres à inciter à la paix et à favoriser une meilleure compréhension entre les immigrants et le peuple canadien et québécois, comment se fait-il que son premier message sème autant de frustration, de méfiance et de discorde dans la population ? Cela ne risque-t-il pas d’envenimer nos relations au lieu de mettre un baume sur nos incompréhensions mutuelles existantes ?
Pour éviter que les Québécois nourrissent un sentiment antimusulman, pour favoriser l’inclusion des immigrants et minimiser la peur et la méfiance envers les étrangers, ne faudrait-il pas, en premier lieu, que ces derniers reconnaissent certes, leurs droits, mais aussi leurs devoirs ? Qu’ils respectent, aussi, la culture, les moeurs et les coutumes de leur pays d’accueil, sans imposer les leurs, et ce, en guise de reconnaissance et de remerciement pour ce pays qui les a accueillis ? De plus, ne serait-il pas de bon aloi d’arrêter de revendiquer constamment des faveurs et des accommodements ?
Pour diminuer la peur et la méfiance existantes, ne faudrait-il pas que les porte-parole de ce groupe condamnent publiquement et rapidement tout acte terroriste médiatisé et commis au nom de l’islam ?
Quant au gouvernement en place, n’a-t-il pas le devoir de sécuriser et de protéger toute la population en établissant des lois communes, inclusives et équitables visant l’intérêt général et d’unir le peuple autour d’un idéal commun et d’un projet national enraciné dans l’égalité ?
Ce n’est pas en empêchant les différentes communautés d’un même pays de s’exprimer (liberté d’expression) qu’on maintient la paix et qu’on préserve la bonne entente. C’est en agissant sans iniquité, sans discrimination et sans favoritisme, car la moindre injustice a le pouvoir de miner la confiance qu’un peuple peut éprouver envers un premier ministre comme envers son gouvernement.
Merci, M. Trudeau, de réajuster le tir pour le bien commun !
Monique Khouzam, ex-directrice du Service de la bibliothèque, des services culturels et communautaires de la Ville de Saint-Eustache
Ce texte est d’abord paru dans Le Devoir.
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Monique Khouzam