La tuerie commise à la Polytechnique en 1989 suscite encore un profond malaise chez les Québécois, surtout qu’elle a été suivie de plusieurs autres attentats ailleurs dans le monde visant les femmes.
Pour une réflexion sociétale
Ce théâtre-documentaire, qui s’éloigne du théâtre divertissement pour laisser toute la place à la prise de conscience, à la réflexion sociétale sur la violence, surtout celle faite aux femmes, est une création de Porte-Parole en coproduction avec le Théâtre du Nouveau Monde et en collaboration avec les auteurs et comédiens Jean-Marc Dalphond et Marie-Joanne Boucher.
En souhaitant mesurer toutes les conséquences du féminicide, on devine aisément que le duo Dalphond-Boucher, à l’initiative de ce grand projet, a fait un titanesque travail avant même de se commettre à l’écriture du texte, aidé par Stephan Allard, Marie-Josée Bastien, Alex Ivanovici, et Annabel Soutar.
« Les comédiens Jean-Marc Dalphond et Marie-Joanne Boucher engagent la conversation et vont à la rencontre de ceux dont la pensée est diamétralement opposée à la leur. Leur démarche pour une pièce de théâtre documentaire se transforme en une démarche citoyenne », écrit-on sur le site des Productions Porte-Parole et qui résume parfaitement l’événement.
Long mais captivant
Co-directeurs de la mise en scène, leur approche est tout simplement époustouflante, mettant en scène avec sensibilité et dynamisme plusieurs personnages non fictifs autour de thèmes délicats. Aucun temps mort malgré la longueur de la pièce.
Car, il faut bien le dire, Projet Polytechnique dure trois heures. Pourtant, la représentation parvient à garder captifs, attentifs et silencieux tous les spectateurs – autant d’hommes que de femmes – dans une salle bondée, n’ayant laissé aucun siège vide.
Ton juste et jeu bien ressenti
Sur la scène, neuf comédiens offrent une prestation magistrale dans les différents rôles qu’ils campent : Stéphan Allard, Mustapha Aramis, Lamia Benhacine, Estelle Esse, Julie McInness, Cynthia Wu-Maheux, Jules Ronfard et bien sûr, Jean-Marc Dalphond et Marie-Joanne Boucher.
Dans des échanges en duo ou en groupe, l’équipe de comédiens aborde une panoplie de sujets délicats et au cœur de tout attentat. On y entend la parole de parents des victimes, de l’une des survivantes, Nathalie Provost, du fantôme de quelques jeunes femmes tuées, l’analyse d’une spécialiste de la folie meurtrière et bien plus.
Les auteurs ont aussi voulu approfondir la réflexion en abordant et en tentant une discussion (dans la pièce) avec des personnages polarisants comme l’auteur de la tuerie de la Mosquée de Québec, Alexandre Bissonnette, le président de Tous contre un régime québécois des armes à feu, Guy Morin, ainsi qu’en relatant l’existence de groupes misogynes comme Incel.
S’ouvrir à l’autre
En dernière partie de la pièce, les comédiens nous laissent sur l’idée hypothétiquement constructive, celle de briser les barrières et de s’ouvrir au dialogue entre protagonistes aux principes diamétralement opposés.
Projet Polytechnique sera également présenté à la Salle Gilles Vigneault le 18 février.
Projet Polytechnique : un théâtre-documentaire à ne pas manquer. Un événement audacieux présenté par Odyscène, qui a eu bon flair de l’inscrire à sa programmation. Chapeau!
MOTS-CLÉS
Odyscène
Théâtre Lionel-Groulx