Au bout du fil, René-Richard Cyr jubile comme un novice qui signerait sa première mise en scène en touchant déjà au sacré. Le verbe rapide et généreux, il redit la joie qu’il éprouve à voir répéter la nouvelle distribution et le bonheur de revisiter ce grand classique de la dramaturgie québécoise, rien de moins que la pièce la plus jouée à travers le monde, dont on célèbre le 50e anniversaire cette année.
«Il y avait quelque chose de subversif, à l’époque, surtout pour un p’tit cul de 23 ans, dans le fait de mettre sur une scène 15 femmes qui venaient d’un milieu qu’on n’osait pas montrer, de les faire parler de misère sociale, économique et sexuelle, de le faire avec autant de force et avec la langue qui collait à cette réalité-là» , exprime le metteur en scène qui, aux balbutiements de ce projet résultant d’une rencontre avec Daniel Bélanger, voyait dans la structure même de la pièce les éléments propices (monologues, chœurs) à une telle adaptation.
«Puisqu’on connaissait déjà leur misère, j’ai voulu montrer la combativité de ces femmes-là. Je les voulais fleuries, peut-être pas forcément heureuses, mais je les voulais belles» , poursuit René-Richard Cyr, qui a vu le spectacle prendre un envol quasi inespéré, traverser l’Atlantique, être traduit en anglais pour le Rest-of-Canada, jusqu’à finir sa route au sacro-saint lieu de la Maison Symphonique, sur un tapis musical offert par le fameux orchestre qui y réside.
Connaître et se reconnaître
«Quand on m’a dit que ça repartait, je n’y croyais pas, au début» , de dire le metteur en scène, qui en a profité pour retoucher certaines choses (une chanson inédite, par exemple) tout en profitant des nuances que les nouvelles interprètes apporteront forcément avec elles. «C’est le même spectacle, ce sont les mêmes personnages, joués différemment. On ferait tous les deux la même recette de sauce à spaghetti, elle ne goûterait pas la même chose» , illustre René-Richard Cyr, qui pour accompagner cette métaphore culinaire, ajoute qu’il voyait une motivation supplémentaire dans le fait de ne pas se remettre les pieds dans des pantoufles trop confortables.
Pour ce qui est de l’universalité de la pièce, qui demeure totalement collée à son époque et qu’on n’a jamais cherché à moderniser, le metteur en scène évoque une représentation où il avait pu observer de très jeunes filles (15 ou 16 ans) applaudir, rire et pleurer au spectacle de ces femmes qui leur étaient pourtant bien peu familières. «Quand je leur ai posé la question, l’une d’elles m’a répondu: ces femmes-là, on ne les connaît pas, mais on les reconnaît» , évoque-t-il. «C’est pour ça que ça n’a jamais été transposé. On n’y croirait pas. Mais on vient de là. C’est comme un coup de chapeau à nos mères et nos grand-mères» , propose René-Richard Cyr, qui perçoit comme quelque chose d’encore très puissant le fait de voir 15 femmes sur scène et qui observe par ailleurs que les hommes reçoivent toujours la chose avec énormément d’émotion. «Si on s’était fié à nos pères et nos grands-pères, on serait encore en train de bêcher la terre. Ce sont nos mères et nos grand-mères qui nous ont encouragés à faire autre chose» , souffle-t-il.
Trouver la vérité
«C’est un spectacle complet, reprend-il. Avec la musique, ce qui est comique devient plus comique. Même chose avec ce qui est triste ou tragique. Ça permet de donner encore plus de clarté et de relief à ce qui se passe.»
Sur l’allure générale du spectacle, René-Richard Cyr, qui préfère utiliser le terme «théâtre musical» plutôt que «comédie» , avait décidé dès le départ que Belles-Sœurs ne serait pas une production de type Broadway et qu’elle ne baignerait pas dans un univers technologique complexe. «J’ai voulu faire comme si ce show-là avait été monté par ces madames-là» , suggère-t-il.
«La première consigne que j’ai donnée aux actrices, enchaîne-t-il, c’était de ne jamais tomber dans la caricature, mais de rester dans la vérité. Quand tu danses, dans le show, imagine que c’est ta mère ou ta grand-mère qui danse. À ce moment-là, tu ne feras pas une grosse madame niaiseuse, mais une belle madame que tu aimes.»
Les Belles-Sœurs (avec Kathleen Fortin, dans le rôle de Germaine Lauzon, heureuse gagnante d’un million de timbres-primes) s’installent donc au Théâtre Lionel-Groulx pour huit représentations, jusqu’au 14 juillet, et le metteur en scène leur souhaite des salles pleines parce que, dit-il, les filles le méritent. Renseignements: [http://odyscene.com].
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