«J’attends», résume l’auteure (ou l’écrivaine, mais certainement pas l’autrice, tranche-t-elle), qui vient d’installer ses pénates à Saint-Eustache, dans un condominium en bordure de rivière, avec son conjoint et médecin à la retraite, Michel Cardin. Le couple vivait auparavant dans une grande maison, à Oka, jusqu’à ce que Mme Allard soit victime d’un ACV, en 2018, l’un n’expliquant pas forcément l’autre. Une coupure dans sa vie, dit-elle, qui l’a rudement amochée dès le départ, jusqu’à ce qu’elle parvienne à reprendre patiemment et progressivement le dessus.
«Je vais bien, sinon que j’ai un problème avec une hanche. Parfois, aussi, je cherche mes mots», dit-elle, en précisant immédiatement que la chose n’a aucunement affecté l’essentiel, c’est à dire cette habileté pour l’écriture et cette capacité qu’elle a de mener plusieurs projets à la fois, elle qui verse autant dans la poésie, l’essai, le roman pour adultes que la littérature jeunesse. Mais rien chez votre libraire depuis 2019, ce qui n’est pas tragique en soi (peut-être inhabituel dans son cas), mais puisqu’elle prend la peine de le mentionner : «C’est facile de se faire oublier.»
Plusieurs livres en chemin
Or, l’activité a considérablement ralenti, dans le monde de l’édition, pour toutes sortes de raisons que la pandémie vient exacerber, à tel point qu’elle envisage qu’il faudra peut-être se rendre jusqu’au-delà de cette crise sanitaire avant que le nom de Francine Allard apparaisse de nouveau sur la couverture d’un livre.
Si pandémie rime avec confinement, l’imaginaire de Francine Allard galope toujours aussi librement et les idées qui s’allument dans son esprit deviennent aussitôt des projets d’écriture. Certains se matérialisent rapidement, d’autres peuvent prendre quelques années.
«Je suis capable de gérer ça. C’est comme si chaque projet avait son propre tiroir. Je ne les mêle jamais», dit-elle. Chaque projet avance donc à son propre rythme, mais le geste d’écrire demeure assidu. Ça arrive, mais rares sont les journées, en fait, où aucun mot ne sort de sa plume.
Ça ne lui est pas venu tout de suite, remarquez. Francine Allard vient d’avoir 71 ans et, puisqu’elle écrit depuis 30 ans et que vous savez bien compter, vous noterez qu’elle a commencé à exploiter ce talent au tournant de la quarantaine. Elle avait auparavant fait carrière dans l’enseignement et posé brièvement le pied dans l’univers de l’humour, en produisant notamment un texte pour son amie et auteure Claudine Thibaudeau, qui souhaitait exprimer sur scène ce que Francine Allard appelle ses «fantasmes de toutoune».
Pour faire une histoire courte, l’éditeur Alain Stanké, qui avait assisté à une lecture publique de ce texte, a immédiatement flairé le talent de l’auteure, qu’il a approchée pour lui offrir un contrat. Francine Allard s’est alors attelée à l’écriture d’un essai humoristique intitulé Défense et illustration de la toutoune québécoise, paru en 1991, qui a connu un bon succès et résolument lancé sa carrière.
Écrivaine… ou presque!
Plusieurs bouquins suivront, dont la trilogie de La Couturière et le diptyque De l’eau sur le papier, certains qui furent de gros succès de librairie (20 000 copies) ou qui lui ont valu de recevoir (deux fois plutôt qu’une) le prix du Livre le plus populaire décerné dans le cadre des Grands Prix de la culture des Laurentides.
«Je pense que je suis presque devenue une écrivaine, laisse tomber Francine Allard, au détour de la conversation. C’est prétentieux, j’en suis certaine, mais pourquoi aurais-je tant écrit?»
En fait, Francine Allard soumet qu’elle a poussé le geste d’écrire aussi loin qu’elle a pu, qu’elle a abordé tous les sujets qu’elle voulait et que les écrits qui suivront seront des addenda, des interventions qui viendront préciser sa pensée. «Une vraie écrivaine s’inscrit dans l’imaginaire collectif. Je serai une vraie écrivaine quand mes lecteurs en décideront ainsi», dit-elle.
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