« Dans les Laurentides, il y a une augmentation. On fait partie des régions qui ont augmenté. Ça faisait plusieurs années qu’on n’avait pas été dans les trois premières régions qui avaient le plus de suicides, mais on vient d’atteindre ça avec l’Abitibi-Témiscamingue et Chaudières-Appalaches. (Ce sont) les Laurentides qui viennent en tête de liste avec 15,8 suicides par 100 000 habitants. C’est quand même beaucoup, parce que la moyenne du Québec est de 13 » souligne Amélie Gauthier, directrice générale au CPS (Centre prévention suicide) Faubourg, au cours d’une conversation téléphonique avec votre hebdo L’ÉVEIL.
« Plus fragilisés »
Et encore, malgré un bilan pas très reluisant, Mme Gauthier redoute qu’on n’ait pas vu le pire.
« Ce qu’on sait, c’est que les chiffres temporaires (lire prévisions), parce que ça va prendre du temps avant que les coroners le confirment, c’est qu’il ne semble pas à y avoir une tendance d’augmentation de suicides pour les années de pandémie. On va les avoir dans deux ans ces statistiques-là ».
« Quand on a été confiné pour la première fois, de façon générale, les gens étaient comme figés. C’est après les deuxième et troisième vagues qu’a commencé à se développer la détresse. Là, on est dans la cinquième (vague) et on voit que les gens sont de plus en plus vulnérables et il y a de plus en détresse qui apparaît. Notre inquiétude, ce n’est pas maintenant, c’est dans un an ou deux ans (avec) les gens qui se sont fragilisés au cours des différentes vagues. On a l’impression que plus on avance dans la pandémie, plus les gens sont fragilisés et plus on s’enligne vers des hauts taux de détresse. On a peur qu’il y ait une augmentation des suicides, pas pendant la pandémie, mais après la pandémie » révèle la directrice du Faubourg.
Manque de ressources
Qui plus, aux yeux d’Améli/e Gauthier, le plus fort de la crise devrait survenir au moment où les ressources auront diminué.
« Tous les restaurateurs, tous les gens qui ont fait faillite, tous les gens qui sont encore vulnérables,quand la pandémie va être terminée, ils seront encore en détresse et il n’y aura pas plus de services disponibles. Il n’y aura pas plus d’employés dans les services qui seront disponibles » note-t-elle.
« C’est bien beau de dire qu’on envoie des millions ($) pour ouvrir des services, mais il n’y en pas d’intervenants. On est en pénurie de personnel partout. Il y a des centres un peu partout qui ferment leur ligne d’intervention parce qu’ils n’arrivent pas à combler les postes. Un des problèmes avec les organismes communautaires (comme le CPS Faubourg), c’est qu’on offre des services 24h sur 24. On a besoin d’intervenants. Avec la pandémie, tous les grands endroits comme le CISSS (Centre intégré de santé et de services sociaux) des Laurentides, les hôpitaux et les travailleurs sociaux ils reçoivent des bonis liés à la pandémie. Nous, on a de la difficulté à accoter les salaires (…) Nos intervenants, ils ont des BAC (baccalauréats), ce sont des professionnels, et en ce moment je les paye (une vingtaine de dollars l’heure) alors que dans le réseau ils vont être payés 25 $. Il n’y a personne qui applique chez nous. On a énormément de difficultés à avoir du personnel parce, soit qu’ils s’en vont ou parce que je n’arrive pas à les attirer ».
« On a été très fragilisés par la pandémie. Je ne cacherai pas que dans les derniers six mois, on aurait fermé la ligne d’intervention (24h) parce qu’on n’avait personne. On n’arrivait pas à trouver d’employés (pour répondre aux appels).
Les hommes
Par ailleurs, quant à savoir qui sont les gens qui sont le plus vulnérables, il y des évidences, mais également des surprises.
Établissons d’abord, comme le révèle Amélie Gauthier, que dans une proportion de 80 % ce sont des hommes qui se suicident, dans un large éventail de 20 à 65 ans, mais surtout entre 50 et 64 ans. « C’est la catégorie très vulnérable. La fin (de la période) des baby-boomers, ça a toujours été une cohorte qui avait un taux de suicide assez élevé ». En outre, indique Mme Gauthier, « il y a quelque chose de nouveau qui vient d’apparaître, c’est une hausse chez les jeunes adolescentes (15 à 19 ans). Ça nous questionne cette augmentation-là. Dans les années 80 et 90, c’était des jeunes (plusieurs cas de suicide). On a fait beaucoup de gros travail là-dessus », mais la situation est de retour.
MOTS-CLÉS
Laurentides
suicide
Centre de prévendion du suicide Le Faubourg
Institut national de santé publique