«Je ne me destinais pas du tout à ça» , dit-elle d’un ton amusé, elle qui acceptait un jour la main tendue vers elle, dans un magasin à rayons: une équipe était en formation et souhaitait compléter ses effectifs avec une femme issue du milieu culturel, un profil qui lui collait plutôt bien.
«Je me suis mise à rire» , raconte-t-elle à propos de sa première réaction, avant qu’on lui rappelle son engagement dans l’organisation du projet Tylee, Marécage enchanté, via l’école Alpha, de Rosemère, une institution qui dispense un enseignement musical intensif. «C’était un beau projet qui alliait nature et culture» , résume celle qui y a participé, durant toute une année scolaire, en 2012, à titre de conseillère culturelle.
Cette même Marie-Hélène Fortin avait aussi été chef d’orchestre d’honneur auprès de la Fondation Viva Musical’pha, en 2009. L’équation se fait d’elle-même: coup de cœur pour la ville de Rosemère, où elle est venue s’installer avec son conjoint Stéphane Archambault (cofondateur, comme elle, du groupe Mes Aïeux), coup de cœur pour cette école que ses enfants ont aussi fréquentée, la voilà qui pousse l’engagement à un autre niveau, là où on n’attend pas forcément les artistes.
Une action concrète
«J’y ai réfléchi tout le temps qu’il a fallu, mais les gens à qui j’en parlais ne riaient pas, eux. Ils me disaient qu’ils me voyaient très bien là-dedans» , dit-elle. On lui reconnaissait alors des qualités sur le plan de l’écoute, de la capacité de travailler en équipe et d’échanger avec les autres. «C’est beaucoup ça, faire de la politique» , croit-elle.
La comédienne Brigitte Paquette, qui a été conseillère municipale à Prévost, a achevé de la convaincre: «Elle a beaucoup aimé son expérience et elle m’a encouragée à le faire, même si ça n’a pas toujours été facile» . Les artistes ont parfois de grands rêves qui se butent aux contraintes de la vie réelle, mais c’est bien peu, semble-t-il, par rapport à la satisfaction qu’on peut trouver dans l’engagement politique. «Elle m’a dit, aussi, que son expérience l’avait rendue moins cynique à l’égard des politiciens» , relève Marie-Hélène Fortin, qui perçoit déjà la politique municipale comme une action concrète.
«Il faut quand même avoir un regard critique sur la chose, poursuit-elle, mais je trouve qu’il y a quelque chose de noble dans le fait de s’engager» , poursuit-elle en signalant avoir été aussi séduite par l’équipe qu’on l’invitait à joindre: «Une gang, des gens qui ont envie de faire quelque chose ensemble. Qui veulent laisser leur marque, améliorer le sort des gens, faire le pont entre les générations. Ça me faisait penser à Mes Aïeux.»
On lui suggèrera tout de même que le regard des gens peut être totalement différent en politique, qu’il peut heurter les sensibilités, particulièrement quand on est une artiste. Même si on ne fait jamais l’unanimité, les chances que quelqu’un achète un billet de spectacle pour venir vous huer sont plutôt minces. Sur le terrain de la politique, les critiques se font en direct et peuvent être cinglantes.
«C’est vrai, un artiste a un besoin immense d’être vu, reconnu et aimé. Le contraire peut arriver, en politique, et c’est une chose qu’il me faudra apprivoiser. Jusqu’ici, nous avons eu des discussions avec des gens qui exprimaient leur désaccord sur certaines choses et ça se passe bien» , dit-elle.
Et il y a tous les rouages d’une administration municipale qu’il faut apprendre à connaître rapidement. Pensez, le premier exercice de l’administration Westram, après l’élection du 5 novembre, aura été de s’attaquer au budget. Pas une mince affaire pour une néophyte. «Je suis curieuse de nature. J’aime apprendre. Et il y a des gens tellement compétents qui nous entourent. Il suffit de poser les bonnes questions» , résume la nouvelle conseillère qui a appris (et qui continue d’apprendre) une foule de choses depuis son assermentation.
Chercher l’équilibre
Assez pour envisager l’avenir sans musique? Le public de Mes Aïeux sera heureux d’apprendre que non. On peut certainement concilier les deux et il semblerait que le groupe, né du besoin, après le blues du référendum de 1980, de célébrer la culture québécoise et de porter une parole engagée, commence à avoir des fourmis dans les jambes.
Un bref retour sur scène, au dernier Jour de l’An, dans le Vieux-Port de Montréal (il faisait -40 et la violoniste a failli y laisser deux doigts), après une pause de quatre ans, a redonné le goût aux membres du groupe de remonter éventuellement sur scène. «Nous avions décidé de prendre une pause, de vivre des choses différentes chacun de notre côté, sur le plan personnel et artistique. On s’était dit qu’on se réunirait peut-être un jour. Ou pas» , raconte-t-elle. Or, on sait qu’il y aura sans doute des spectacles, ici et là… et que Stéphane Archambault a ressorti sa plume. On verra bien.
En attendant, Marie-Hélène Fortin, conseillère au siège numéro 1, à Rosemère, poursuit son apprentissage et cultive le désir de faire avancer les choses dans sa municipalité. Elle énumère certains projets (chalet du parc Charbonneau, aménagement des berges, bonification de l’offre culturelle) et pointe les enjeux urbanistiques comme un grand dossier. «Ce sera une recherche d’équilibre. Comment aller de l’avant, ne pas restreindre le développement tout en préservant le patrimoine bâti de Rosemère? » , questionne-t-elle. Faire cohabiter l’ancien et le moderne. Comme une chanson de Mes Aïeux, tiens.
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